mercredi 26 mai 2010

Welcome to Anorexicland!



Chui content, c'est le printemps, comme chantait Henri Dès. Le printemps, à Cambridge où je vis, c'est enfin l'occasion pour les Anglaises comme moi de parader en mini en éblouissant les passants par la blancheur lunaire de leurs grassouillettes gambettes. Au printemps, je sais pas si vous avez remarqué, on a l'impression qu'il y a beaucoup plus de femmes enceintes que d'habitude, manque de manteau ultra-couvrant oblige. Mais surtout, à Cambridge, Université Très Renommée Internationalement A Fort Taux de Génies Et Autres Prodiges, au printemps, quand tout le monde est en jupe, c'est là qu'on s'aperçoit réellement du nombre d'anorexiques qui arpentent la ville, et je peux vous dire que c'est bien moins sympa que de compter les femmes enceintes.

Il paraît qu'un certain nombre d'anorexiques sont aussi ce qu'on appelle ici des 'high-achievers' ou des 'control freaks', ultra-performantes en bref, conduisant d'une main de fer leur brillant parcours académique. J'en connais une comme ça qui parle six langues et pèse 35 kilos. Ca fait toujours un choc, quand tu marches dans la rue avec ton iPod vissé dans les conduits auditifs, de repérer l'une de ces phasmiques créatures marchant d'un pas décidé vers tel ou tel meeting important ou examen de fin d'année.

Le sujet est tellement sensible dans une université comme Cambridge que les gens n'en parlent que quand ils connaissent très très bien leurs interlocuteurs et interlocutrices, vu le nombre de gens qui ont ou ont eu des troubles alimentaires. J'ai fait la gaffe l'autre jour chez une copine, en annonçant à qui voulait l'entendre (moi et mes remarques très fines, c'est le cas de le dire), en apprenant le salaire de Keira Knightley, qu'elle allait enfin pouvoir se payer de quoi manger. Evidemment, j'ai dit ça devant l'une des 3 colocs de ma copine, une fille qui, comme je l'ai ensuite appris, avait fait deux ans d'anorexia nervosa depuis son arrivée à Cambridge. Elle mangeait deux galettes de riz soufflé et un demi-concombre par jour.

Quand j'étais en première année, deux étudiantes de Cambridge sont mortes d'une crise cardiaque liée à une anorexie morbide.

Le printemps à Cambridge, c'est donc bien sympa pour les fleurs, le départ de la pluie et les promotions sur l'autobronzant, mais c'est aussi l'occasion de s'exercer à faire l'indifférente quand tu vois dans un café une fille qu'on croirait sortie d'un film d'animation de Tim Burton, qui tapote un mail urgent sur son Blackberry et sirote un café noir sans sucre.

samedi 22 mai 2010

Monstres et compagnie

J'ai toujours adoré les monstres. Quand j'étais petite, je dessinais des monstres, je lisais des livres sur les monstres, et quand je suis allée en Ecosse (j'avais 15 ans quand même) j'ai gardé les yeux rivés au Loch Ness au cas où. Ce qui me comble de joie, c'est qu'il existe une branche (ultra vaseuse) de la zoologie appelée cryptozoologie, où l'on étudie la possibilité de l'existence des monstres légendaires. Quand je serai grande je serai cryptozoologiste. Mais en attendant voici un petit billet sur les monstres, qui vous inspirera peut-être dans vos travaux d'écriture visant à traumatiser de jeunes enfants.

Ce qui motive ce billet c'est d'abord l'actualité récente, puisque le 'monstre' ci-dessous a été trouvé sur une plage du Canada:



Personne ne sait ce que c'est, mais certains natifs de la réserve la plus proche affirment qu'il s'agit d'un Omajinaakoos. Mais oui, vous savez, un omajinaakoos, cet animal qui apparaît une fois tous les 40 ans pour annoncer de grands malheurs. Autant vous dire que Toronto est en émoi. Il y a quelques années, c'était le fameux 'Monstre de Montauk' qui avait créé le buzz (pardon, le ramdam) sur Internet. Sur une plage à promiximité d'un laboratoire de recherche sur les animaux, deux badauds avaient pris en photo ce joli cadavre:



Un peu cheum, comme dirait mon petit cousin qui parle vrai. Les hypothèses les plus folles avaient alors couru: hybride échappé du laboratoire, alien, raton-laveur (!), tortue sans sa carapace (beurk), ou tout simplement nouvelle espèce d'animal. Comme par hasard, le corps a disparu.

Bref, ce qui est intéressant c'est qu'un monstre n'est un monstre que tant qu'on ne l'a pas classifié comme Animal. A partir du moment où un zoologiste annoncera dans Science qu'il nomme 'Floubizore à bec cornu' le monstre de Montauk, il perdra définitivement son statut de Monstre. Or, il existe des tas d'animaux que je trouve parfaitement monstrueux, et qui auraient mérité de rester monstres à tout jamais tellement ils font l'effort d'en être un. Voici mes petits chouchous dans la catégorie 'Si Dieu existe il a une imagination bien tordue':

1. Le blobfish



Tout animal vivant dans l'eau me répulse un tant soit peu (je suis quelqu'un de résolument terrestre) mais le blobfish c'est une telle hyperbole de monstruosité que je ne peux pas m'empêcher de l'adorer secrètement. La chose vit en profondeur et est un tout petit peu plus légère que l'eau, ce qui lui permet de pseudo-nager en culbutant contre les divers objets des abysses.

2. Le rat-taupe nu



Le rat-taupe nu est un rongeur d'une laideur succulente, qui possède beaucoup trop de peau pour sa quantité de corps à envelopper, et doté de deux incisives longues et fines. L'animal est admiré pour sa capacité à faire... euh... rien du tout.

3. L'isopode marin



Cette chose parfaitement atroce grouille au fond de l'océan, comme son copain le blobfish, avec qui il échange les derniers ragots. Ressemblant vaguement à un cloporte géant, c'est le compagnon idéal de vos cauchemars et autres sorties en famille.

4. Le weta



L'un des insectes les plus grands et les plus lourds au monde, ce charmant animal se trouve exclusivement en Nouvelle-Zélande, et soit dit en passant, qu'il y reste, il ne nous manque pas.

5. Le AAAARGHHHH



Poisson perturbant et dentu, le AAAARGHHHH a tendence à vomir son estomac quand on le capture. Oui, c'est ça, le truc jaune dans sa bouche.

Bon! J'espère qu'avec ce petit bestiaire monstrueux vous vous sentez désormais d'attaque pour écrire un joli conte pour petits poussins. Par exemple, 'Marlaguette et le Blobfish', ou encore 'Boucle d'Or et les trois Wetas'. Tenez-moi au courant.

jeudi 20 mai 2010

Créativité à l'université



Hier c'était le grand jour pour les 9 élèves de mon master de littérature jeunesse: la présentation devant toute la classe (safétrépeur) des projets créatifs pour enfants réalisés au cours de l'année. Ce module n'était pas noté, mais il était obligatoire: il s'agissait d'écrire quelque chose de court pour enfants, que ce soit un conte, un poème, un album, un chapitre de roman, une nouvelle, une petite pièce de théâtre, en bref la liberté complète avec une goutte de créativité nécessaire.

J'ai donc présenté 'The Year of the Lobster' (d'ailleurs... je ne dis rien mais...!) et mes camarades ont présenté leurs propres projets. Tout le monde a été stupéfait de la diversité des projets proposés, ce qui prouve bien qu'on peut être universitaire sans être formaté (hein Normale Sup'... sans rancune!). Voilà un petit éventail:

- Un chapitre de roman sur deux fillettes dont la mère a quitté le domicile familial.
- Un album écologique contre la pollution des mers.
- Un poème fait par une étudiante pour son nouveau neveu.
- Un extrait de journal intime fictionnel d'une ado de 17 ans du Bangladesh.
- Un poème sur un oiseau (pas trop pour enfants, celui-là, y a eu un peu de triche)
- Une nouvelle inspirée d'Alice au Pays des Merveilles comprenant un crabe et un rocher.
- Un court récit autobiographique racontant les invasions de sauterelles dans les grandes plaines du Canada.
- Un poème-récit ultra rigolo plein de brocolis qui font du violon et de macarons qui font du surf sur des cappucinos.

Bref, c'était une séance particulièrement intéressante. La littérature jeunesse est un art tellement multiple et plastique qu'on se demande pourquoi il est toujours boudé par les Grands Esprits de ce monde. Il n'a rien à envier à la littérature pour grandes personnes, loin de là. Si tant est qu'on en trouve le moyen, la littérature pour enfants permet d'aborder n'importe quel sujet. C'est parce que beaucoup d'adultes persistent à acheter à leurs enfants des livres destinés à les endormir plus facilement à l'heure du dodo qu'ils n'ont aucune idée de l'invraisemblable créativité de ces auteurs jeunesse qui, eux, cherchent plutôt à les éveiller, les petits.

Heureusement, il me semble que la littérature jeunesse est de plus en plus étudiée et de plus en plus valorisée. Je vais entamer l'année prochaine un doctorat l'année prochaine et j'ai obtenu une bourse d'études complète de la part d'un organisme gouvernemental, comme quoi, ceux qui étudient l'idéologie dans les bouquins pour enfants commencent à être considérés comme aussi valables que ceux qui étudient les virgules dans Shakespeare. Pourvu que ça dure, malgré la crise...

vendredi 14 mai 2010

Interview pour BSC News

Il y a quelques semaines, j'ai eu la chance d'être longuement interviewée par Martine Bréson, spécialiste de la littérature jeunesse, qui a longtemps chroniqué à la radio et travaille aussi pour le journal en ligne BSC News.

Voici donc l'article tiré de cette interview. Je suis très reconnaissante à Martine de m'avoir consacré autant de pages, d'autant plus que ses questions étaient subtiles, intéressantes et érudites. Cette interview m'a permis de m'exprimer en détail sur Samiha et les fantômes et d'expliquer l'idée derrière l'histoire et les résonances politiques.

Deux petites erreurs à relever: je ne suis pas franco-écossaise, j'ai simplement un ancêtre écossais, et je vis à Cambridge et non pas à Londres... à part ça, c'est tout vrai.

mercredi 12 mai 2010

Projet tout juste fini

J'ai fini de bosser sur un projet créatif pour enfants que je devais faire en partie pour mon master. C'est un album intitulé The Year of the Lobster (L'année du homard), dont voici deux planches:





J'ai commencé très récemment à l'envoyer à des agents (en Angleterre il faut passer par des agents plutôt que d'envoyer directement des textes aux éditeurs). Croisez les doigts pour moi!

lundi 10 mai 2010

Revue de presse

Quelques articles sur Samiha et les fantômes.


Le Parisien Val-de-Marne, 26 mars 2010




TV 5 Monde, avril 2010



Un magazine dont je ne sais pas le nom?, le 4 mai 2010:



Il y a aussi eu deux interviews radio (IDFM et France Bleu Besançon, dont j'ai eu l'enregistrement MP3 grâce à la généreuse Sardine), un article assez long de Ouest-France que je n'arrive pas à télécharger sur mon ordinateur (grrr) et plusieurs articles sur internet:

- Un article sur Talents Hauts en général qui mentionne Samiha.

- Un autre ici.

jeudi 6 mai 2010

Les petites filles top-modèles en librairie

C'est aujourd'hui que sort en librarie mon deuxième livre pour enfants, Les petites-filles top modèles, publié par les Editions Talents Hauts et illustré par la désopilante et talentueuse Vivilablonde !



C'est l'histoire de Diane Châtelain, onze ans et des poussières, petite princesse de la mode chez la prestigieuse maison de haute couture pour enfants Rond-Point. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu'à une cascade d'événements inattendus: un remplacement secret, un contrat en or, une rencontre avec une certaine Olympe, et un voyage à Venise censé changer sa vie...

Tout ça avec un ENORME bouton sur le nez.

Un bouquin destiné aux 8-10 ans, et qui, j'espère, les fera rigoler. Et avec un peu de chance, celui-là la Fnac ne le trouvera pas trop risqué pour la vente... ;-)

lundi 3 mai 2010

De la cruauté en littérature jeunesse

Parmi mes dix mille bouquins commencés qui dorment dans mon ordinateur et que je réveille de temps en temps avant de les lâcher comme des vieilles croûtes quand je m'aperçois que c'est finalement super nul, il y a un bouquin pour enfants extrêmement cruel et très gore.

La cruauté dans les livres pour enfants, personnellement, j'adorais ça quand j'étais petite. Et je ne parle pas des livres d'horreur type Chair de Poule, qui faisaient simplement peur - non, je parle d'une sorte de cruauté plus humour noir, plus dérangeante. Roald Dahl est l'un des maîtres en la matière, avec Neil Gaiman, et quelques autres. Petite, j'adorais La potion magique de Georges Bouillon, avec son idée complètement amorale de vengeance physique sur une grand-mère tyrannique. Je pense qu'il y a une dimension libératrice dans toute histoire cruelle destinée aux enfants. Ils veulent tester les limites du genre - jusqu'où peut-on aller? Que peut-on montrer? Existe-t-il une cruauté intolérable en littérature?

Un autre livre de Roald Dahl très cruel: Sacrées Sorcières. Là, c'est une autre histoire, et pour moi un exemple personnel de cruauté poussée trop loin. Le héros, à la fin de l'histoire, est transformé en souris par les sorcières.



Cette fin, je m'en souviens très bien, m'avait traumatisée à neuf ans. Il n'y a aucun espoir pour que le héros s'en sorte, et en plus il semble se féliciter de son sort, qui lui promet au moins de mourir plus ou moins en même temps que sa grand-mère, à laquelle il n'envisage pas de toute façon de survivre. Ce dialogue final m'avait laissé une impression malsaine. J'avais trouvé, pour la première fois, je crois, qu'un auteur allait trop loin dans la cruauté envers ses personnages.

Mais pour en revenir à mon manuscrit, après trois chapitres l'histoire devient tellement cruelle que je me demande si ce n'est pas, en réalité, de la littérature pour adultes. La frontière est tellement mince. Toute la cruauté, bien entendu, est extrêmement imagée, voire imaginée. Comme dans les contes de fées, elle a un côté irréel et magique. Mais jusqu'à quel degré de violence peut-on aller dans un livre pour enfants? Quand franchit-on la limite entre saine libération et traumatisme? Comment savoir si tel enfant le prendra bien, et tel autre mal?