jeudi 28 octobre 2010

Un dîner presque magique

Les Grands-Britons, même de l'espèce academia bibliothecus, sont légendairement un peuple d'originaux et de très légèrement dérangés. J'en ai eu la preuve parfaite et magnifique avant-hier, où j'ai pu prendre part à un dîner d'Halloween spécial Harry Potter dans l'un des colleges de mon auguste université. Décoration, menu, costumes, hiboux vivants, tout y était. Et évidemment dans l'un des 'Formal Hall' de Cambridge qui sont l'équivalent tangible et véritable de la Grande Salle de Poudlard/Hogwarts. Les 200 tickets ont été vendus au rythme d'un concert de Muse, mais j'ai réussi à en attraper un au vol.

Les profs étaient tous déguisés de la tête aux pieds, et avaient leur rôle à jouer dans cette grande reconstitution: ma prof de littérature jeunesse écossaise jouait McGonagall, un autre de mes profs nous a fait une lecture du livre, et entre chaque plat on avait droit à un petit spectacle. Sans compter les Chocogrenouilles et dragées surprises placées sur les tables, et le menu Halloweenesque inspiré des plats des bouquins. Mais l'idée la plus magique de la soirée a quand même été les hiboux et chouettes volant dans le Hall, frôlant les tables et même se perchant sur les sièges! On a pu les caresser et ils étaient tout doux.

Voici quelques photos de l'événement: (un peu sombres parce qu'il faisait presque noir)

Le Hall décoré



Une chouette prenant son envol (oui c'est un fantôme à côté)



Un hibou à l'air orgueilleux



Le portrait de la directrice du college... à qui on avait ajouté un chapeau de sorcière:



Je n'ai qu'une chose à dire: Nigaud! Grasdouble! Bizarre! Pinçon! Je vous remercie.

lundi 25 octobre 2010

Ré-impressions

R'gardez ça s'ils sont pas mignons!



En ce moment j'ai un emploi du temps absolument cadenassé (traduction: pardon les gens de pas écrire plus souvent!) mais l'autre jour je suis entrée dans une librairie et je suis tombée nez-à-nez avec la nouvelle édition de Noël de la série des Twilight.

Comprenez: 'Hmm hmm! C'est bientôt Noël!' (nb Noël en Grande-Britannie commence le 1er octobre au matin: tout le monde se réveille, ouvre la fenêtre et dit "Smells like Christmas... Feels like Christmas... Christmas is coming! yeeeehaaa") 'C'est bientôt Noël, donc, et que veut dire Noël? Noël veut dire...

MONEY$MONEY$MONEY$

(n'oublions pas que nous parlons ici d'un éditeur)
'Et qu'est-ce qui fait gagner de l'argent en ce moment?' se demande donc notre markéteur-éditeur-supertrooper. 'Ah oui! ce truc avec les vampires, là. Tu sais ceux qui brillent et qui mordent pas? Allez, on va revamper nos vampires et les revendre en super édition de Noël qui déchire sa race.'

Bref, ce revampage est très intéressant (oui sinon j'irais pas écrire un billet complet dessus à 8h13 du matin). En gros, ils ont fait trois choses:

1) Enlever le titre de la couverture. Iléou le titre? ya pu de titre. Il est parti.
2) Photoshop -> remplacer -> noir -> par -> blanc
3) Peindre la tranche en rouge

Je vais maintenant ânâlyser ces trois manoeuvres marketing pour vous en direct et sans prompteur.

1) Disparu le titre. Il existe des livres sans titre, mais c'est rare. En général, quand ça arrive, ce sont des bouquins dits 'postmodernes' (comprenez: bizarres et borderline). Dans ce cas-là, retirer le titre veut dire que l'identité visuelle des bouquins est si bien ancrée dans les mémoires que l'image de couverture elle-même 'parle' à la place du titre. En gros, quand on voit une pomme entre deux mains blanches, on pense 'Twilight'. Le titre est devenu redondant. Le langage verbal disparaît au profit de l'image, langage visuel beaucoup plus 'attirant' pour leur cible. Bon, il faut pas être grand clerc pour interjeter que dans Twilight le langage verbal avait depuis longtemps disparu au profit du langage visuel. Tout dans Twilight est extrêmement visuel: avec un minimum de vocabulaire, elle fait voir. La langue est terriblement simple, ne fait aucun effet de style qui ne soit pas complètement au profit des images qu'elle décrit. La disparition du titre au profit d'une image attirante (et qui représente universellement Twilight maintenant) représente l'aboutissement de cet effacement du langage. Sans compter que ce manque de titre, ça fait aussi très style et très postmoderne alors qu'en fait, les bouquins sont d'un traditionnel et d'un conservatisme absolu.

2) Le passage du noir au blanc. Evidemment, c'est Noël, donc les couleurs, c'est rouge et blanc, comme Coca-Cola et le Père Noël. Mais les vampires, c'est rouge et noir. Ca fait pas très sérieux, un vampire en rouge et blanc. Sauf que Twilight, c'est pas des vrais vampires (n'est-ce pas, papa?). C'est pas des vampires méchants qui mordent, c'est des vampires amoureux qui font des bisous. Et je pense qu'ici c'est tout à fait le message du changement de code couleur. Sous prétexte d'édition de Noël, ce changement de couleur est aussi une volonté de changement de perception de l'histoire: plus comme 'dark' ou 'Gothic' mais résolument dans le genre 'romance' et je dirais même 'romance chaste'. Le blanc, couleur de pureté, c'est la couleur de la vierge demoiselle qu'est Bella. Le rouge, c'est la couleur du sang qui vient troubler la pureté de cette demoiselle (le rougissement, symbole érotique par excellence de la romance classique). Pensez à Perceval absorbé dans la contemplation d'une goutte de sang sur la neige. Les connotations sont multiples. Twilight abandonne son habillage sulfureux et maintenant banalisé par la quantité de clones tout noirs ou violet foncé qui encombrent les rayonnages, rejette l'étiquette de 'dark fiction' et se rhabille dans des couleurs qui rappellent les histoires d'amour des contes chevaleresques. Et qui en plus rappellent Noël.

3) La tranche est rouge. Le détail qui tue. Déjà, c'est joli. Mais ça a un autre effet: le rouge 'encadre' légèrement la page blanche comme un avertissement, rappelant au lecteur (ou plutôt à la lectrice...) que la chasteté du texte est liserée du rouge sang dont j'ai parlé plus tôt.

Bref, c'est très réussi, cette réédition, je trouve, et ça montre bien le changement de cap dans la perception du bouquin par les éditeurs. Et des vampires dans l'inconscient collectif. Twilight se veut désormais innocent, chaste et familial, mais la tranche rouge est là pour rappeler le côté 'tranchant' de ce traité de Mormonisme aigu.

samedi 16 octobre 2010

Enjeux universitaires en terre des Angles



Pour une raison non identifiée, j'ai été invitée il y a deux jours à un déjeuner avec le nouveau Vice-Chancellor de Cambridge (comprenez: le président de l'université, car le 'Chancellor', qui n'est autre que le Duc d'Edimbourg - le mari de la Reine, vous suivez? - n'a qu'un titre honorifique, ils aiment bien ça les Britons). Il y avait là une poignée d'étudiants représentant les différentes facultés, et le Vice-Chancellor, Leszek Borysiewicz, qui frôle les plafonds tellement il est grand. Très sympa, le nouvel empereur de l'université nous a longuement parlé des problèmes qu'il chercherait à gérer durant son mandat, et ils sont légion. Mais l'un d'entre eux, en particulier, m'intéresse parce qu'il est très difficile à aborder et à comprendre.

Ce problème, c'est celui de l'augmentation de la diversité à Oxbridge, et quand on parle diversité dans les grandes universités anglaises ce n'est pas seulement au sujet des minorités ethniques, des femmes et des handicapés: c'est aussi et surtout la quantité d'élèves provenant d'écoles publiques par rapport au nombre d'élèves d'écoles privées.

Oui parce qu'en France, sauf exception, on place son marmot sous l'égide de l'école publique, gratuite et obligatoire, et à quelques cahots près ça fonctionne correctement. Mais en Angleterre, que dalle. Les écoles publiques (85% des écoles) sont, en règle générale et à quelques exceptions près, remarquablement impuissantes, faute de moyens. Autrement dit, les parents ont tout intérêt à desserrer les cordons de leur bourse pour permettre à leurs angelots de rejoindre l'école privée du coin, où ils seront coachés nuit et jour pour ensuite entrer à l'université sans encombre (petit rappel: l'entrée à l'université en Angleterre se fait sur sélection). Un cercle vicieux s'ensuit - les gamins des écoles privées entrent massivement à l'université, les gamins des écoles publiques perdent confiance, les parents suivent - bien obligés - et les écoles publiques voient leur réputation déjà écornée s'effondrer complètement.

Or, le problème n'est même pas tant un problème de niveau qu'un problème psychologique, puisqu'il y a énormément d'élèves d'écoles publiques qui ont en fait largement les capacités et la motivation d'entrer à l'université, voire dans les universités de la Russell League (les meilleures universités du Royaume-Uni), voire à Oxbridge. Mais le problème, ce n'est pas qu'ils ne sont pas assez bons, c'est qu'ils n'envoient pas leur dossier de candidature. Beaucoup d'entre eux pensent que Cambridge et Oxford ne sont pas faits pour eux parce qu'ils viennent des écoles publiques. Du coup, on se retrouve à Cambridge avec une lamentable moyenne de 58% d'élèves provenant d'écoles publiques (à comparer avec la proportion nationale de 85%...).

Ce qui est assez désespérant, c'est que l'université fait d'énormes efforts pour accroître la diversité. Chaque college élit un 'Access Officer' qui a pour mission de rendre visite aux écoles publiques afin de convaincre les meilleurs élèves qu'ils ont non seulement le droit de demander à entrer à Cambridge ou Oxford, mais qu'en plus ils ont largement leurs chances d'y être acceptés. Au niveau de l'université, des dizaines de programmes sont mis en place (journées portes ouvertes, tournées des écoles, etc) dans le même but. Il y a du progrès, mais le taux d'élèves d'écoles publiques qui envoient leur candidature reste faible.

La situation se trouve d'autant plus compliquée que la presse anglaise avec ses redoutables tabloids (The Sun, The Daily Mail, The Mirror, les journaux les plus abyssalement nuls du monde) fait complètement le contraire de ce qu'elle devrait faire pour aider le processus d'intégration. D'un côté, on a droit à des articles larmoyants lamentant le manque d'élèves du public à Oxbridge ("'On m'a refusé l'entrée à Cambridge parce que je viens d'une école publique', déclare Shannon, 17 ans, les larmes aux yeux"), mais de l'autre, ils sautent sur n'importe quelle occasion de présenter les deux universités comme des refuges de bourges ultra-snobs qui jouent au polo à longueur de journée, sortent dans des boîtes select et se fringuent en Dolce&Gabbana. Et comme ces journaux sont lus par une vaste majorité des Grands-Britons, le fait que Cambridge et Oxford cherchent désespérément à prouver que c'est absolument faux n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan de la réputation qui leur est faite par les médias.

Bref, le nouveau Vice-Chancellor s'est fixé une tâche herculéenne et dont les ramifications sont très profondes et difficiles à analyser. On est tenté de réduire tout à l'argent, en disant que les élèves d'écoles publiques ne veulent pas aller à l'université parce que c'est trop cher. C'est peut-être vrai dans une certaine mesure, mais Cambridge et Oxford ne sont pas plus chères que n'importe quelle autre université britannique, et de plus il existe un grand nombre de ressources financières disponibles pour tous les étudiants. Ce n'est pas primordialement une question d'argent, c'est une question d'image, ce qui la rend d'autant plus compliquée à résoudre. Et bien entendu, le problème existe aussi en France.

samedi 9 octobre 2010

Blogueuse occupée, blogueuse fatiguée!



Salut la blogosphère,

(J'aime bien dire ça, ça fait la meuf qui a des Google Analytics de folie)

Me revoilà après une longue absence quasi inexcusable, sauf que c'était la rentrée et que j'ai dû me concentrer vachement très fort pour être gentille avec la maîtresse et apporter des bonbons à la récré pour me faire des copains et des copines. Voici donc un billet sous forme de liste de choses qui m'arrivent pour tenir au courant les trois quidams qui suiveraient vaguement mes élucubrations:

1) Je suis désormais une étûdiânte en dôctôrât, ce qui veut dire qu'entre moi et le Saint Graal d'Académiland il ne reste que trois petites années de travail. Après je me reposerai toute ma vie. Mais le programme est intense, entre thèse proprement dite et conférences parallèles en Europe et en Amérique. Si je parviens à surnager, je finirai un jour par devenir Dr Beauvais, mais pour obtenir ces deux petites lettres il faut d'abord que j'en écrive près de cinq cent mille.

Anecdote du jour: premier cours avec les nouveaux doctorants, le prof annonce qu'il faut écrire un compte-rendu de lectures de 6000 mots pour décembre, une Américaine lève la main:
'Oui, excusez-moi, juste pour savoir, 6000 mots, ça fait combien de pages?'
Bleh.

2) Etant la nouvelle coéditrice du journal de l'assoc féministe de Cambridge, je me suis rendue comme de bien s'accorde à la grande fête des assocs qui a lieu chaque année dans un grand gymnase de la ville et sert, en gros, à embrigader le plus de première-années possibles dans ce qui nous semble être une juste et noble cause. Pendant trois heures j'ai donc agité des tonnes de prospectus sous le nez des passants en hurlant 'WOMEN'S CAMPAIGN! WOMEN'S CAMPAIGN! Are you interested in the WOMEN'S CAMPAIGN???'.

Le bon côté des choses, c'est qu'on a eu des centaines de signatures. Le côté amusant des choses, c'est la réaction des mecs qui passaient par là. Dès que les deux mots 'women' et 'campaign' atteignaient leurs pavillons oculaires, on les voyait pâlir et s'écarter ostensiblement des prospectus du diable comme s'il se fût agi d'une variété particulièrement perverse de virus de la grippe A. Une fois ou deux, j'ai réussi à attraper dans mon filet invisible un possesseur de chromosomes XY pour lui communiquer ce message plein de bon sens: 'L'association est aussi ouverte aux hommes, on peut être un homme et être féministe, tu sais!'. Peine perdue. On aurait dit que le petit bout de papier allait leur brûler les doigts. Surtout les gros joueurs de rugby. C'était genre la fin du monde de se faire accoster par une nana pensant qu'ils étaient du style à rejoindre la cause des féministes.

Le plus drôle, c'est quand ces malabars se faisaient ensuite accoster, juste à côté de moi, par le représentant des étudiants gays, lesbiens, trans et bi de Cambridge. Masculinité trucidée à tout jamais, les pauvres tas de viande s'en allaient ensuite tout rouges et en faisant rouler leurs semblants de muscles. On a bien rigolu.

3) Côté écritures, de nouvelles choses se préparent, mais pour l'instant l'emploi du temps ne permet que quelques tapotis de clavier par jour.

4) SCOOP DE PORTEE INTERNATIONALE! Nous avons désormais dans notre jardin une splendide colonie d'écureuils noirs. Il paraît que c'est une nouvelle variété. Ils se bastonnent avec les écureuils gris un truc de fou. Ils sont beaucoup plus beaux alors j'espère qu'ils gagneront à la fin. Pour suivre en temps réel la bataille intra-jardinale des écureuils noirs et des écureuils gris, ou pour recevoir des mises à jour sur ce combat à mort entre grignoteurs de noisettes, appelez le 3630.

5) Sous le prétexte fallacieux que l'on appelle 'mode', les première-années et les deuxième-années se baladent dans le tout-Cambridge chapeautés de bonnets-panda. Si vous ignorez ce qu'est un bonnet-panda, en voici un:



NO COMMENT.

Allez les amis, c'est tout pour aujourd'hui.