mercredi 30 janvier 2013

A comme Adulte Caché

En général c'est l'adulte qui compte et c'est les enfants qui se cachent, et ensuite faut faire genre t'as pas du tout vu les petits pieds qui dépassent de dessous le rideau et t'as pas du tout entendu les petits rires étouffés dans la penderie et tu fais 'Oh là là! Mais où sont donc ces garnements? Ils sont très très bien cachés!' pendant trois plombes en retournant toute la maison ('Seraient-ils dans le frigidaire?') jusqu'à ce que tu les 'découvres' et les félicites de leur extraordinaire sens de la dissimulation.

L'adulte caché, eh bien.... ça n'a rien à voir avec ça.

C'est un terme qui est entré dans le vocabulaire de la théorie de la littérature jeunesse en 2008 grâce au livre de Perry Nodelman, The Hidden Adult - mais le concept lui préexistait, c'est simplement qu'il a mis un mot sur la chose. 

L'adulte caché, c'est la conception de 'l'être-adulte' qui est distillée à travers le livre pour enfants. Attention, cette figure ne coïncide pas avec l'auteur, ni avec aucun des personnages adultes. C'est une entité beaucoup plus abstraite: une volition adulte, un réseau de représentations qui tisse une idée, plus ou moins synthétique, de ce qu'être adulte signifie.

Et cette notion est évidemment chargée de peurs, de croyances, de désirs pour l'enfant. En fait, ce que Nodelman et beaucoup d'autres soutiennent, c'est que l'adulte caché trahit un désir de s'opposer à l'enfant et à l'enfance, de se comprendre comme intrinsèquement différent, d'exorciser ses démons, on pourrait dire, en faisant de la figure de l'enfant un réceptacle de tout ce qu'on ne veut pas être: innocent, ignorant, naïf, imaginatif, asexué, etc.

L'adulte caché exprime donc une perception de l'adulte par lui-même, et, en creux, une conception de l'enfance. J'ai répété douze mille fois sur ce blog que la littérature jeunesse a pour propriété numéro 1 d'articuler des représentations de la relation entre adulte et enfant; l'adulte caché, c'est ce dont on parle quand on dit 'ce livre exprime le désir de l'adulte de s'adresser à l'enfant comme à un agent politique', par exemple.

Encore une fois, ce n'est pas du tout la même chose que l'auteur; évidemment, l'adulte caché est compris dans l'intentionnalité de l'auteur, mais il la dépasse. L'adulte caché est un mélange plus complexe de diverses notions de l'être-adulte, dont beaucoup sont inconscientes, qui influencent le processus d'écriture, de publication et de réception, et que la critique de la littérature jeunesse permet d'extraire, d'analyser et d'expliquer.

C'est tout pour aujourd'hui! Vendredi on parlera de bibliothérapie.

lundi 28 janvier 2013

Abécédaire Après Alice

Je sais pas si vous avez vu, mais sur le Wonderblog de ma copine Alice, il y a depuis le début de l'année un hypercool abécédaire de conseils pour devenir auteur jeunesse! on en est déjà au L, alors si vous avez un train de retard, allez y faire un tour...


Du coup vu que mon conseil à moi, c'est 'volez les idées des autres', je vais m'y mettre aussi au coup de l'abécédaire... mais bon, pas tous les jours hein (Alice vous a habitués au luxe ou quoi?). Mais on va dire que tous les lundi, mercredi et vendredi de la semaine, je vais distiller par ordralfabétic, non pas des conseils (volez les idées des autres ok mais modifiez-les un peu quand même!) mais des concepts centraux de la critique de la littérature jeunesse actuelle. Parce que c'est mon rayon, que c'est intéressant, et que c'est sans doute des trucs donc vous n'avez jamais entendu parler.

On commencera donc ce mercredi avec la mystérieuse notion d''adulte caché'...

A mercredi!

Clem

vendredi 25 janvier 2013

Choses et d'autres

Dans ma vie trépidante il se passe des choses et il s'en passe d'autres, et vu que je n'ai pas le temps de faire de grands articles de blog ces temps-ci, voici une petite synthèse...

La pouilleuse a été lu - et pas par n'importe qui: par les blogueurs passionnés du site A l'ombre du grand arbre, qui font des 'lectures communes' qui ma foi sont une excellente idée. Regardez un peu le niveau de détail, et à la fois l'ampleur du sujet: ça se passe ici, et c'est émouvant et fascinant pour moi de voir tout ce qu'ils ont pu en dire. J'espère que c'est aussi intéressant pour les autres.

Notre collectif On n'a rien vu venir continue sur son impressionnante lancée. Ca fera bientôt un an qu'il est sorti, et l'intérêt ne retombe pas! Sandrine a sur son blog un compte-rendu des derniers prix et articles qu'il a occasionnés.

Et de mon côté, je continue gaiment à écrire (à finir!) ma thèse de doctorat. Il fait bien bien froid dans mon appart' cambridgien, mais depuis les profondeurs de mes trois pulls et de ma couverture en polaire je tapote des mots pour boucher les trous dans ma Grande Théorie de Presque-Tout et de Tout-à-Fait-ça de la Littérature Jeunesse. Si ça vous intéresse, je vous en parlerai un peu à l'occasion.

Voici à quoi ressemble mon college, Christ's, en ce moment (bonus: cliquez sur la photo pour accéder à l'album du groupe facebook!):



Mais ce n'est pas tout, les amigos et les amigas - j'ai un entretien d'embauche la semaine prochaine... à Oxford! si c'est pas de la traîtrise de haut vol, on se demande ceksé. Mais bon, pour équilibrer, j'ai aussi un entretien à Cambridge... et d'autres candidatures arrivées au premier stade de sélection et en attente de réponse pour le second. Donc s'il vous plaît s'il vous plaît...

Croisez les doigts pour moi!

à pluche!
Clem.


samedi 19 janvier 2013

Mais t'as pas peur de traumatiser les gamins?




'Ce livre devrait être interdit aux chatons de moins de six semaines'

Depuis qu'est sorti La pouilleuse, j'ai répondu à plusieurs interviews (comme ici, ici, ici et ici, et deux récemment sur le blog d'A l'Ombre du Grand Arbre et à venir sur Dimensions Ados) qui souvent reviennent sur le thème du possible choc ou traumatisme consécutif à la lecture du bouquin. Je précise tout de suite qu'en aucun cas je ne m'en plains: au contraire, je suis absolument ravie que le livre déclenche de telles questionnements. Mais je me suis dit que j'allais ouvrir une petite 'FAQ' de La pouilleuse, que je vais aussi mettre sur la page FAQ de mon site, afin de faire une petite synthèse de ce genre de questions et de faire passer mon point de vue de manière plus 'regroupée'.

Allons-y donc: La pouilleuse, Foire Aux Questions: 

Q.: Comment vous est venue cette idée? La pouilleuse est-il inspiré d'un fait réel?

Oui et non. L'idée a peut-être été déclenchée par le fait divers sordide du 'gang des barbares', mais les idées en tant que telles tournaient dans ma tête depuis un certain temps. Quand j'étais au lycée dans ce qu'on appelle les 'beaux quartiers' de Paris, j'entendais souvent le genre de discussions que je rapporte, parfois quasi inchangées, dans La pouilleuse: des discussions qui témoignaient d'un préjugé de classe et d'un racisme latents, mais pas agressifs en tant que tels - simplement intégrés au tissu idéologique de la vie de tous les jours pour moi et pour les autres lycéens.

C'est seulement en prépa que ce genre de discours a commencé à me frapper, à m'interpeler: c'est là que je me suis aperçue qu'il n'y avait que quelques pas à franchir entre des préjugés et des actes. Le 'gang des barbares', qui a agi (en partie) en fonction de préjugés antisémites, a peut-être été un catalyseur pour La pouilleuse: il m'a semblé qu'il n'y avait aucune raison pour que ce genre de fait divers n'arrive pas dans les 'beaux quartiers'.

Q. Vous êtes-vous mis des limites en écrivant ce livre? Jusqu'où peut-on aller dans la violence?

Oui, je me suis mis des limites en écrivant ce livre, mais pour des raisons littéraires et non morales. Ou plutôt, j'ai une conception de la littérature qui est une sorte de synthèse entre le littéraire et la morale: j'appelle cela l'écriture éthique. Une écriture éthique, c'est une écriture qui ne cède pas à la facilité dans la présentation de thèmes potentiellement racoleurs (sexe, violence en particulier): c'est-à-dire une écriture qui rend difficile pour le lecteur de se placer dans une position complaisante, de voyeurisme, ou d'attraction par rapport à cette violence.

Il y a beaucoup de livres pour adolescents qui me déplaisent profondément parce qu'ils font semblant de condamner une violence qu'ils rendent en réalité ardemment attirante. Par exemple, Hunger Games, qui sous prétexte de dénoncer une société dystopique et à la dérive nous délecte du spectacle de la mort d'enfants et d'adolescents et nous fait vite oublier la mort des personnages secondaires pour mieux mettre en exergue celles de ceux qui 'comptent' vraiment. Autre exemple, Twilight, qui glorifie et rend glamour le suicide, la violence conjugale, et j'en passe et des meilleures.

La pouilleuse (je l'espère!) ne rentre pas dans cette culture de la violence comme 'show'. L'intrigue et le point de vue narratif ont été pensés pour que le lecteur soit potentiellement hypnotisé mais aussi extrêmement mal à l'aise par rapport aux événements décrits. Une ellipse temporelle, très importante dans la scénographie du roman, garantit l'escamotage du passage le plus graphiquement violent: tout se passe donc, a priori, dans l'imagination.

Pour moi, une écriture éthique de la violence est absolument possible, mais elle doit exiger du lecteur une participation entière à sa représentation: elle doit s'adresser au lecteur comme complice d'un malaise, surtout pas divertir, voire amuser, un spectateur conçu comme détaché de l'acte de violence.

Q. La pouilleuse est-il vraiment un livre pour adolescents? A partir de quel âge?

Je n'en sais rien - pas plus que si on me demandait 'A partir de quel âge peut-on porter un T-shirt de taille 38?'. Si je me réfère à ma propre expérience, je serais bien en peine de répondre à cette question. A 14 ans, je lisais Lolita sans problème, mais par contre L'éclipse de Robert Cormier (un livre pour adolescents) m'avait profondément choquée. Impossible de regarder Orange Mécanique, par contre j'avais déjà revu dix fois Shining. Et il y a un J'aime Lire que je n'ai jamais fini parce qu'au chapitre 2 le héros se fait... vacciner! Comment prévoir ce qui va se passer dans la tête d'un lecteur de 7, 9, 13, 14, 19 ans? Vous savez, vous, comment va réagir votre oncle de 49 ans à la lecture des Bienveillantes?

oui oui, de l'UNIVERS
Tout livre est un risque. Comme dit ce cher Jean-Paul S., tant que le bouquin est posé sur la table, il n'a rien à voir avec moi: mais ça y est, je le prends, je l'ouvre, et (attention hyperbole sartrienne numéro 9405335) voilà que l'auteur et moi portons la responsabilité de l'univers sur nos épaules. Les questions d'âge n'ont rien à voir avec ça. Le cousin de 9 ans de mon amie a lu La pouilleuse et il n'est pas en psychothérapie, alors que plusieurs de mes proches (adultes) ont eu du mal à s'en remettre.

Les enfants et les ados ne sont pas plus idiots que les adultes: si un livre les choque jusqu'à la moelle, s'il est douloureux, s'il est trop dur, s'il n'est pas-pour-maintenant, ils ne vont pas se forcer à le lire, surtout maintenant que l'iPad brille sur un coin de table. S'ils le lisent, c'est qu'ils en sont capables. S'ils en sont capables, et qu'ils le finissent, c'est que c'est important pour eux, quelque part, peut-être sans qu'ils s'en aperçoivent, de lire ce livre.

Q. La littérature jeunesse n'est-elle pas plutôt faite pour amuser? Pourquoi écrire des livres aussi sombres? 

C'est vrai qu'en regardant ma bibliographie, c'est pas la marrade généralisée, à part mes Petites filles top-modèles et ma série des Sesame Seade à venir. Mais déjà, explication numéro 1 qui n'est peut-être pas celle que vous attendez: j'ai écrit plein de trucs marrants ou aventureux, mais... ils ne trouvent pas preneur! Donc soit je suis nulle en rigolade et forte en trucs qui font réfléchir à des choses graves de l'existence (quiconque qui me connaît personnellement a officiellement le droit de hurler de rire en lisant ces mots), soit il y a un véritable appel d'air dans l'édition jeunesse pour des livres durs, des livres forts, des livres avec une portée sociopolitique ouvertement déclarée.

Lui ça va comme pirate
J'ai dit quelque part que je préfère un livre controversé à un livre insignifiant. Les rayons de littérature jeunesse sont pleins comme des oeufs. Une bonne grosse vaste majorité de la production concerne les lapins, les pirates et les princesses. Je n'ai rien contre les premiers, qui sont très bons en ragoût, ni contre les deuxièmes, surtout quand ils ressemblent à Johnny Depp, ni contre les troisièmes, qui photographiées à vingt kilomètres de distance les roberts à l'air préservent des milliers d'emplois dans la presse people. Toutefois, cependant et néanmoins, il reste une petite place sur les rayons pour les livres intelligents et de qualité, qui se divisent en deux catégories: 1) drôles et spirituels, 2) sombres et sérieux. Petite, j'avoue, je préférais les premiers, et je considère que mes Sesame Seade en font partie. C'est un peu au hasard des envois et des écritures que je me retrouve plutôt occupée à défendre mon entrée dans la deuxième catégorie.


Voili-voilo, on va dire que ça suffit pour l'instant. Des bises à ceux qui sont arrivés au bout.

Clem

samedi 12 janvier 2013

Ma vie en 2013

Il appert que mon dernier billet remonte au 15 décembre 2012. Je vois que personne ne s'inquiète que je sois tombée dans un profond sommeil telle la Belle au Bois Dormant depuis; merci, ça fait plaisir d'avoir des amis! (à moins que lesdits amis ne soient pas trop inquiets vu mon activité facebookale).

Bonne année 2013 donc! et voilà ce qui s'est passé dans mah life depuis mon dernier billet:

  • J'ai perdu le 3 de mes 23 ans et le seul chiffre de rechange que j'ai trouvé était un 4. Arnaque! comme dirait Jacotte. Toujours est-il que j'ai eu une galette, comme d'hab, et pas la fève, comme d'hab. Du coup c'est ma soeur qui, comme d'hab, a ressemblé à ça: 

sauf qu'elle a les yeux bleus ma soeur

  • J'ai reçu pour Noël ce livre-ci:
oui par contre je sais pas qui a eu l'idée du look 'soirée DSK' pour notre amie justicière

écrit par Georges Chaulet sur Fantômette. C'est entre l'encyclopédie, le bouquin de 'bonus', et avec une aventure inédite à la fin qui m'a fait rigoler comme une dinde (si tant est que l'animal rigole). Ah! Fantômette! je vous le conseille aussi chaudement qu'un macaron à la moutarde de Boulotte.

  • Bien remotivée par les bons mots de M. Chaulet, j'ai fini la première version du troisième bouquin de ma série anglaise des Sesame Seade, Scam on the Cam. Il est question de course d'aviron! En prime, puisqu'apparemment je suis en mode photo aujourd'hui, voici une zoulie photo de l'équipe d'aviron dans laquelle j'étais à l'âge tendre de dix-huit ans, première année à Cambridge, option arc-en-ciel:
 
moi c'est la rouge qui fait coucou

  •  Des projets ultra-secrets en cours m'occupent également, dont un que j'espère nous pourrons vous révéler bientôt. Nous? Mais qui nous? Oh ben, vous verrez. 
 C'est tout pour le moment, je retourne donc à ma thèse!

Atchaobonsoir

Clem