mercredi 20 septembre 2017

Comment vendre en Grande-Bretagne un livre publié en France?

Un nouveau billet en réponse à une question qui m'est de temps à autre posée par email, et qui ressemble un peu à cette autre, à laquelle j'avais répondu il y a quelques mois.

Pour ceux qui auraient la flemme de cliquer sur le lien: l'autre question, profondément perplexifiante, était la suivante: 'Je ne suis pas encore publié, mais je voudrais vendre mon manuscrit (en français) à un éditeur anglo-saxon, pour qu'il le traduise et le publie en anglais.'

La question que j'aborde aujourd'hui recoupe un peu la question précédente, mais elle est beaucoup moins absurde:
J'ai un livre publié en France, mais mon éditeur ne s'occupe pas de le vendre/ n'a pas réussi à le vendre dans les pays anglo-saxons. Comment faire pour le proposer moi-même à des éditeurs là-bas?
Je vais essayer de répondre à cette question en reprenant un peu la formule du billet précédent. Je pars du principe à travers tout ce billet que vous avez cédé à votre éditeur les droits mondiaux sur votre livre (ce qui est habituel).

Tout d'abord je voudrais vous inviter à questionner vos raisons de vouloir que votre livre soit publié en anglais (voir l'autre billet, où je parle longuement de cela.)

Je vous invite ensuite à lire dans l'autre billet tout ce que je dis de la difficulté d'être publié en traduction dans les pays anglo-saxons.

Ayant lu tout cela, je voudrais préciser d'emblée qu'il est beaucoup plus simple que ce soit votre éditeur français qui s'occupe de vendre les droits pour vous. 

Vous avez peut-être l'impression que votre éditeur ne fait pas beaucoup d'efforts pour vendre les droits anglo-saxons. D'abord, c'est peut-être faux. Mais même si c'est vrai, ce n'est pas forcément pour de mauvaises raisons. Votre éditeur a peut-être identifié, et sans doute à raison, que votre livre n'a pas le profil pour le marché anglo-saxon, qui est hyperformaté et, bis repetita ad vitam aeternam, n'achète que très, très, TRES peu de traductions. Il préfère donc focaliser ses efforts sur d'autres ventes à l'étranger. Ou alors, votre éditeur pense que peut-être sur un malentendu ça peut marcher, mais encore une fois, pas assez pour justifier un investissement de temps et d'effort gigantesque.

Je vous invite vraiment, et désolée si je me répète, à interroger ce qui fait en vous cette impression de frustration intense que votre éditeur n'arrive pas à vendre votre livre dans les pays anglo-saxons, surtout s'il arrive à le placer en Allemagne, en Corée, en Italie, en Pologne ou en Suède.


Ceci étant dit, partons du principe cependant que votre éditeur ne fait vraiment aucun effort pour vendre votre livre dans les pays anglo-saxons. Voilà ce qu'il devrait se passer pour que votre livre publié en France soit publié en anglais en Grande-Bretagne, sous votre impulsion. Il faudrait déjà:
1) que vous trouviez un/e agent/e britannique qui représente le genre de texte que vous écrivez. Pour ceci, il vous suffit en général d'identifier des textes anglo-saxons similaires au vôtre et de regarder qui les agente. Puis de préparer votre livre, un pitch, un synopsis.
2) que cet agent/e puisse lire le français ou ait des sbires qui le fassent.
3) que cet agent/e tombe amoureux de votre livre au point de vouloir chercher à le faire publier en GB (vous offrir de le représenter).
Maintenant que va-t-il se passer? On entre dans des questions nouvelles qui ont trait à la rémunération de l'agent/e pour son travail.

L'agent/e va en effet vouloir être payé/e si jamais le titre est vendu à un éditeur anglo-saxon. Donc, il va falloir négocier avec l'éditeur un avenant au contrat, qui va mettre sur papier la possibilité qu'un/e agent/e externe, si elle était l'apporteur/se d'affaires sur ce titre d'une vente à l'étranger, touche une partie de l'argent de la vente (normalement 20%)

En d'autres termes, votre éditeur devra donner son accord et modifier le contrat pour que cette possibilité existe. Il devra s'accorder avec votre agent/e pour cela.

Ensuite l'agent/e va essayer de représenter votre titre auprès d'éditeurs anglo-saxons, avec ou sans succès.

J'espère que dans ce billet j'ai un peu montré à la fois la grande improbabilité que votre livre, sous votre impulsion, soit publié en anglais, et à la fois le fait que ça reste absolument possible. Je suis d'autant plus capable de le dire que c'est exactement ce qui s'est passé sur la vente des Petites reines et de Songe à la douceur en anglais. Mon agente britannique les a pitchés et vendus à des maisons britanniques en ayant au préalable passé un accord avec Sarbacane pour lui permettre de le faire.

Cependant je précise que les deux romans arrivaient entre les mains de mon agente dans des circonstances très particulières:
1) Cela fait presque 5 ans que je suis avec mon agente britannique. J'ai publié grâce à elle 7 livres directement en anglais et en Grande-Bretagne. Nous avons une relation professionnelle très étroite et elle me soutient énormément depuis le début. C'est important, car dans ces conditions la rémunération de l'agent/e reste franchement minuscule (une portion de 50% d'une avance), et donc la motivation de l'agent/e moins financière que symbolique.
2) Je vis en Grande-Bretagne, parle anglais couramment et peux promouvoir mes livres sur le territoire britannique.
3) Les deux romans avaient des chiffres de vente françaises susceptibles d'attirer l'attention des éditeurs anglo-saxons. 
Toutes les situations sont différentes et tout reste possible. On peut avoir des ventes dans les pays anglo-saxons qui arrivent par une entière sérendipité et donc sans agent/e: un livre français découvert et dévoré en août par un éditeur britannique en vacances en Dordogne, un coup de coeur à Francfort, un coup de pouce d'un ami d'ami qui connaît quelqu'un actuellement en stage dans une maison d'édition en Grande-Bretagne... mais tout cela, vous n'avez pas de contrôle dessus.

Vous pouvez aussi vous amuser à envoyer des exemplaires du bouquin directement à des éditeurs, viser leur fenêtre avec, les suivre dans le métro londonien et leur glisser le livre dans leurs sacs, entrer dans leur maison la nuit et les poser sur leur table de chevet, mais si vous vous faites arrêter je décline toute responsabilité.

Donc pour synthétiser:

1) c'est possible
2)... à un niveau de je dirais 3 sur l'échelle de Jean-Claude Dusse.



Good luck!

vendredi 15 septembre 2017

Zézette épouse X

Selon des estimations TNS-Sofres, voici le top 3 des choses préférées des Français.es:

- la lecture
- le sexe
- Séverine Vidal, Manu Causse, Benoît Broyart, Gilles Abier, Sandrine Beau, Rachel Corenblit, Cécile Chartes, Antoine Dole, Chrystome Gourio, Driss Lange, Hélène Rice, Emmanuelle Urien, Taï-Marc Le Thanh, Axl Cendres, Arnaud Tiercelin, et moi.

Et ça tombe vraiment vachement bien, parce qu'une combination de ces choses-là sera disponible en librairie la semaine prochaine!

Introducing... (#célecadeledire)


Oui je sais c'est des nouvelles. Les nouvelles, ce truc invendable! Ce truc que personne n'aime! Mais attention poulet: c'est des nouvelles sur un thème très très particulier.

La Toute Première Fois! (toutoutepremièrefois essaie de désentendre cette chanson maintenant bon courage).

C'est Manu et Séverine qui ont eu l'idée: va voir le blog de Manu ici, qui explique. Ensuite reviens s'il te plaît, j'ai pas fini.

Merci rebonjour. Je peux donc vous dire qu'on a eu bien des fou-rires par email avec les 16 concerné.es, au cours de cette année où on a écrit nos nouvelles. Il paraît que certain.es ont fait des ateliers pratiques mais je ne peux ni infirmer ni confirmer cette rumeur.

il ne faut pas gossiper sur les gens et d'ailleurs Sandrine Beau a le droit d'écrire des livres au titre qu'elle veut ça ne veut pas forcément dire quoi que ce soit
C'est donc le 21 septembre que ce texte équivoque et multivoque, 16 nuances de première fois, sortira aux éditions Eyrolles.

Et pour célébrer cette nouvelle pleine de nouvelles, je me mets à nu aujourd'hui devant vous pour vous parler de ma propre expérience personnelle de ma Toute Première Fois et de mes Tous Premiers Emois.

De lectrice, s'entend. Ben oui. T'as cru qu'ici c'est Confessions Intimes? C'est un blog sérieux figurez-toi.

n'insiste pas, beau brun, je n'ai bu qu'une tisane
Donc laissez-moi un peu vous parler de la Toute Première Fois où j'ai deviendu toute rouge en lisant un livre...

Déjà je dois préciser que chez moi, quand j'étais petite, ce n'était pas exactement l'ambiance 'scotcher ensemble toutes les pages du dictionnaire entre 'Anal' et 'Zigounette'.' Mes parents se contrefichaient tellement que je tombe sur des Trucs Adultes qu'ils avaient dans les toilettes un énorme bouquin de blagues, parfaitement épouvantables, de Mina et André Guillois, que je lisais et répétais à tout un chacun en rigolant comme une baleine.

madeleine de Proust de ouf

Rétrospectivement, c'était absolument choquant et tout à fait inapproprié, et je peux vous dire que mes enfants à moi ne seront jamais autorisé.es à pénétrer dans les toilettes de mes parents. ('Mais pourquoi on doit faire pipi dans les plantes de Mamie?' 'Parce que.')

Ah oui, et mon père laissait traîner tous ses Largo Winch, ses XIII, ses Jessica Blandy, etc. Je m'arrête là sinon la DDASS va venir nous chercher ce weekend. Mais donc autant vous dire qu'à l'âge de quelques années, j'étais tout à fait au courant de quel organe allait où et dans quel but, et je trouvais ça alternativement hilarant (blagues de Mina et André Guillois) et boring-boring-BORING (sauter les pages dans Largo Winch pour arriver à l'ACTION paske ràf des nibards de l'autre blondasse!).

Et comme tout cela avait lieu dans le joyeux contexte des années 90, mes parents, comme nombre de leurs congénérationatriotes, ont eu à répondre à l'inévitable question de leur délicieuse enfant:

"Sa veux dire quoi Monikalévinski a fais une félassion à Bilklintonne?'

Je m'en rappelle très bien. L'explication était claire, et je trouvai la chose un peu trop dégueulasse, mais avec cette sorte de fascination qu'on a pour les autres enfants qui mangent les crottes d'oreille alors que, comme chacun sait, c'est super amer.

Bref, il m'a fallu attendre un âge beaucoup moins tendre pour ressentir pour la première fois de vraies émotions plus complexes à la lecture de textes faisant allusion au sexe. Ado, j'étais hyper complexée et très prude, donc je ne lisais pas de trucs franchement outrageants. Et je me souviens tout à fait du premier livre qui m'a fait transpirer dans le CDI. Il s'agissait, figurez-vous, de la série des Nils Hazard, de Marie-Aude Murail.

Rien que la couv est phallique. Enfin, pour l'edl.
A l'époque, j'allais au CDI du collège Montaigne tous les jours en heures de permanence et endossais le brave rôle d'Aspirateur à Ecole des Loisirs. Il s'agissait de dévorer de manière systématique et linéaire tous les livres ado de la légendaire collection, gentiment alignés sur l'étagère tout près de l'entrée, je me souviens.

Et donc, je devais être en sixième ou en cinquième, j'ai lu la série des Nils Hazard, qui est non seulement parfaitement géniale mais tout à fait érotique, pour une raison très précise: le héros (Nils, donc) et l'héroïne, Catherine, se vouvoyaient. 

Il en fallait peu pour déchaîner mon imaginaire, je sais. Mais c'était une relation absolument incandescente. Je ne crois pas qu'il y ait eu quoi que ce soit de décrit dans les livres, pourtant je me rappelle à peu près deux mille six cents heures en HD panoramique Dolby Surround Sound de leurs ébats sexuels, que j'avais sagement inventés dans ma petite tête.

Ils se vouvoyaient! C'est fou!

En plus le mec était étruscologue et elle, étudiante. Je pense que j'avais déjà une machinerie imaginative très développée pour l'éroticisation des couples universitaires.

Voilà donc l'histoire de mes premiers émois de lectrice. Je passe le reste sous silence, parce que quand même.

Allez, en prime, et pour terminer, je vous offre mon avis sur la description de sexe la plus magnifique dans la littérature jeunesse contemporaine. Il s'agit du Copain de la fille du tueur, de Vincent Villeminot. 


Il faut dire que le bonhomme connaît son Cantique des Cantiques. Je vous laisse découvrir ça.

Rendez-vous donc le 21 en librairie. Ma nouvelle à moi s'appelle 'Nouvelle Notification', et les 15 autres nouvelles, toutes plus déjantées, shocking, tragiques, drôles, tristes, belles, dans toutes les positions, sous toutes les coutures, montrent toutes les nuances de cette fameuse première fois.

Je précise que c'est pour les grands ados, hein. Pas les petits. Les petits ados ils peuvent lire Nils Hazard, d'ailleurs ça restera toujours mille fois plus hot. Insurpassable.